[RP] Pastorale d'Arganotus

Suite à leur rencontre en Halle, lors du jeu des énigmes, Brennach se réjouissait de partager ces moments de pastorale avec Arganotus. C'était un homme simple et bon et sa demande d'être baptisé avait le goût de la sincérité, ce qui avait de quoi renforcer la Foi du tout récent sacristain qu'il était devenu.

La présence de Soeur Marie-Clarence se faisait encore sentir au sein du presbytère: quelques rideaux de dentelles à l'huis, un doux parfum flottant dans l'air... Brennach sourit à la pensée de l'ancienne vicaire diocésaine de Tarbes qui associait dans la pratique du prêche, trait original s'il en est, esthétique et foi profonde. Elle manquerait à l'évêché, c'est certain, comme elle manquait déjà à Mauléon. Pour l'heure, Brennach n'avait même pas retrouvé les clés de la sacristie et ne pouvait donc pas officier. Mais, faisant fi de ces considérations, il préféra se concentrer sur la raison de sa présence ici.

Il prit grand soin de préparer les vélins des leçons, mais ne prit point de parchemin vierge, certains que leurs échanges seraient oraux. Il prendrait les notes ensuite pour les archives. Après avoir fait chauffer de l'eau à l'âtre en prévision d'une tisane au tilleul, il s'assit sur l'un des fauteuils, près de la cheminée, attendant la venue de son nouvel élève.

Messages : 2 Date d'inscription : 28/11/2014

Arga avait pris grand soin de se laver, et de nettoyer ses oripeaux, avant de se rendre au presbytère de Mauléon, ainsi que le troubadour-diacre lui avait recommandé. De loin, dans le petit matin, il vit qu'une cheminée laissait s'envoler un léger trait de fumée. Du bois bien sec. A la couleur et à la densité de la fumée, il se fit le pari de trouver du chêne dans l'âtre. Il verrait bien. De toute manière, ce serait toujours plus agréable que de traverser le village dans le frais du matin.

Ne sachant à quoi s'attendre, ni pour combien de temps il en aurait, il avait pris avec lui une besace, dans laquelle il avait fourré, à la hâte, un quignon de pain et un morceau de saucisson. Il avait aussi été récolter, à l'aurore, quelques champignons des bois, champignons qu'il savait être savoureux lorsqu'ils étaient correctement assaisonnés. A cet effet, il avait également cueilli quelques herbes, qu'il connaissait fort bien pour leurs saveurs multiples. C'est qu'il ne voulait pas arriver les mains vides, et l'effort que consentait le diacre à fournir pour l'instruire méritait certainement d'envisager un repas correct.

Il se dirigea donc vers la porte du presbytère, frappa à l'huis et attendit qu'on l'invite à entrer, sans dire un mot.

Brennach vint ouvrir à son nouvel ami.

Entrez donc Argonatus, mettez vous donc à l'aise et prenez place auprès de la cheminée. Vous avez trouvé sans difficulté? Comment vous portez-vous aujourd'hui?

Le laissant s'installer, Brennach préleva à l'aide d'une louche de la tisane de la marmite au-dessus du feu et en servit deux tasses.

Vous prendrez bien un peu de tisane au tilleul ? C'est excellent pour la concentration et cela vous réchauffera, ce qui par ce temps, n'est pas un luxe.

Petit sourire, avant de déposer la première tasse en terre cuite sur le rebord de la cheminée près de son hôte et la seconde près de son propre fauteuil. Il s'assit ensuite, en prenant grand soin de ne pas froisser l'aube qu'il avait revêtu pour l'occasion. Une fois fait, il laissa le temps à son futur élève de prendre ses marques et une fois qu'il le sentit détendu, il poursuivit:

Que diriez-vous de commencer? Tout d'abord, je vais vous poser une question rituelle, mais qui a extrêmement d'importance. Pourquoi désirez vous être baptisé? Je connais quelques éléments de réponse mais j'aimerais que vous me l'expliquiez avec vos mots de nouveau. La religion aristotélicienne accueille les Fidèles volontaires, c'est à dire ce qui font le choix conscient de rejoindre la grande communauté de l'Eglise Aristotélicienne. Tous les choix se justifient, aussi n'ayez nulle crainte de révéler le vôtre.

Après cette explication préliminaire, il se tut et tout en regardant Arganotus dans les yeux, attendit sa réponse, attentif.

Messages : 2 Date d'inscription : 28/11/2014

Arga avait à peine frappé à la porte que celle-ci s'ouvrit en grand. Brennach, le diacre-troubadour-tavernier-amoureux, l'invita à entrer, écorchant au passage son prénom. Bah, ce n'était pas la première fois, ce ne serait pas la dernière. Après tout, c'est l'accueil que lui fit Brennach qui réchauffa le coeur du paysan.

Il pénétra donc dans le presbytère, nom ô combien difficile à prononcer pour lui. Il manquait d'éducation, le savait et se sentait tout petit face à cet homme qu'il dominait de sa taille. Mais "la grandeur d'un homme ne se mesure pas en pouces ou en pieds", comme disait Mamé quand il était petit. Il avait eu du mal à comprendre ces propos, qui maintenant explosaient dans sa tête et prenaient tout leur sens.

Son regard explora la pièce dans laquelle il se trouvait. Bizarre, ces dentelles un peu partout. Il n'aurait pas pensé que Brennach en aurait eu dans son lieu de travail. Par contre, un bref coup d'oeil sur le bois à côté de l'âtre lui confirma son hypothèse. Du chêne. Sans doute les déchets de branches qu'un charpentier ne pouvait utiliser pour faire de belles planches.

Il accepta de bon gré la tisane au tilleul, y trempa ses lèvres, en appréciant la concentration parfaite de l'infusion. Exactement comme il l'aimait. Diantre ! Cet homme avait plus d'une corde à son arc, et il savait bien mettre ses invités à l'aise. Il s'assit sur le siège qui lui était réservé, déposant sa besace à côté, mais pas du côté du feu, cela aurait risqué de gâter le contenu, avec la chaleur qu'il dégageait !

Le premier moment difficile allait se faire jour. Expliquer ses motivations. Pourquoi entrer dans la famille aristotélicienne - décidément, il aurait aussi du mal à prononcer ce nom -, pourquoi en effet ?

Il prit le temps de rassembler ses idées. Après tout, elles venaient lentement, Brennach semblait avoir une patience quasi infinie et une disponibilité à toute épreuve. Puis vint le temps de se lancer.

M'sieur Brennach. D'abord, j'vodrions vo'r'mercier, co'un'fois, pour c'que vo'fassions po'moi.

Vo'z'estions que'qu'un que j'sentions qu'avions du bien dans lui. J'pensions qu'c'estions vos'passé d'aristi... Arga se concentra et prononca, en distinguant bien chaque syllabe d'a-ri-sto-té-li-cien, c'est ben ca ?

Sur un hochement de tête affirmatif de Brennach, il se rassura, puis continua
Si j'volions l'baptème, c'est d'abord, passque Mamé, elle avions'zesté baptisée. Elle avions un'médaille qu'elle serrions dans sa main ben souvent. Chaq'fois, après, elle sourions. J'pense qu'elle prions, mais moi, j'savions point comment faire. L'Papé, y volions point trop. Il disions qu'c'estions fariboles, et qu'la vie, elle z'estions ben difficile maint'nant pour point s'la compliquer avec ces idées.

Arga fit une pause, prenant le temps de boire un peu sa tisane, puis poursuivit, constatant que Brennach, lui aussi, sirotait son breuvage en le regardant par-dessus sa tasse, les yeux plein d'une bienveillance peu commune
L'Papé, après qu'Mamé elle estions tuée par l'brigands, il estions com'sans vie. Point'but. Point'd'envie d'continuer à viv'. Il savions point prier, mi je n'savions point non plus. Mais, un peu avant d'es'mourru, l'Papé m'avions dit qu'il espérions qu'Mamé, elle avions raison. Qu'il vodrions la r'voir, elle, et mes frères, et ma soeurette, ma p'tit soeur, dans l'vie d'après.

Arga fit de nouveau une pause, retenant une émotion...
Si j'volions êt'baptisé, c'est pasque m'daam Ermelina, elle m'avions essplicationné beaucoup d'choses, quand j'estions à Orthez. J'vodrions pouvoir prier, comme qu'y faut, pour que ma famille, elle soyons ben, vo'voyez. Pis, comme j'avions point plus d'famille, j'vodrions en r'trouver une. Si que c'est point d'la famille du sang, que j'puissions aider des dgens d'ma famille d'coeur, si vo'voyons c'que j'volions dire...

Arga avait maintenant des larmes au coin des yeux. Il renifla bruyamment, se frotta le visage avec sa manche.
J'vodrions vraiment, quand j'serions mourru, moi'z'ossi, r'trouver Mamé, Papé, et les d'jins que j'va aussi continuer à r'contrer. J'pense point est'un mauvais gars. J'avions jamais volé. J'avions jamais tué aut'chose que c'qui m'fallions pour ma pitance, un lièvre, ou les moutons quand il fallions les abattre à l'ferme. J'aime point qu'on fasse du mal aux autres, bêtement. C'est pour ca aussi, qu'j'estions fâché cont'tout ceux qui s'moquions d'vous su'l'place, quand vo'faisions vo'mim.

Arga s'arrêta, planta un regard encore chargé d'émotion dans les yeux de Brennach, y lu aussi une émotion. Mais pas du mépris, ni de la moquerie, non, une belle émotion, chaleureuse, de la compassion, sans aucun doute.

[HRP: la suite se fera sur le forum II: http://forum2.lesroyaumes.com/viewtopic.php?p=17741813#17741813

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